De la méthodologie d’action du Mouvement

Toute organisation révolutionnaire –au sens d’œuvrant pour une « contribution décisive » au changement du système sociopolitique existant- s’illusionne en supposant que sa réussite est le fruit d’un processus naturel cumulatif résultant de son action, en référence à ce qu’on appelle plans ou programmes d’actions des sociétés commerciales. Autrement, il n’y aurait pas eu de système social de pouvoir qui s’y opposerait et ce système n’aurait eu ni moyens, ni institutions, ni possibilité de résistance, ni même la possibilité d’identifier son intérêt à la pérennité. De par ce fait, la réalisation des objectifs du mouvement « Citoyens et Citoyennes dans un État » ne peut se faire à travers un processus mécanique, car toute méthode mécanique présuppose de faire face à un objet soit inerte soit soumis, à moins que l’action du mouvement, sciemment ou par ignorance, ne s’inscrive, ou ne s’accorde avec, la logique du système de pouvoir. En l’absence de contradictions internes au sein du système sociopolitique en place et des pressions externes auxquelles il est sujet, il n’y aurait eu ni Histoire ni changements dans les systèmes sociétaux, ni à fortiori de motivations collectives ou personnelles de créer un tel mouvement, y adhérer et y contribuer.

Ainsi, le mouvement des « Citoyens et Citoyennes dans un État » adopte une approche méthodologique rigoureuse d’une part et une démarche réaliste et raisonnée dans le choix et l’investiture des terrains de confrontation d’une autre. Cette approche est en opposition nette et tranchée avec deux types d’organisations:

  • Les partis qui ont adopté dans leurs textes des idéologies figées, dont résulte au cours de leur évolution une déconnexion entre la pratique et la théorie et un recul de leur capacité d’action en raison des transformations sociétales et politiques qui génère des tentatives continue visant à réinterpréter le discours fondateur de manière à le rendre apte à traiter avec ces transformations;
  • Des mouvements limités à des terrains d’affrontement spécifiques caractérisés par des postures d’opposition parfois démonstratives basées sur des jugements moraux qui contredisent la nature même du travail et de l’action politique et sabotent la possibilité de mener une confrontation véritable et organisée au pouvoir sociopolitique. Nous ne confondons bien sûr pas ces organisations avec celles qui ne sont que des instruments du régime et qui, à travers des mécanismes d’action et de contrôle, jouent les rôles d’encadrement et de mise en concurrence.

Chacun de ces types de formations est devenu conditionné par un sectarisme aigu en réaction directe au délitement social général. Ainsi, La « contribution décisive » au changement du système sociopolitique auquel le mouvement aspire dépendra de sa capacité, aux moments-charnières où apparaissent des contradictions aigues au sein du système, et après avoir anticipé ces contradictions et s’être préparé en termes de connaissances et de capacité militante, à proposer une alternative avancée sur tout ce que le régime peut proposer. Cette alternative impose au régime un virage dans la trajectoire de son adaptation à ses contraintes internes et externes le sortant ainsi du cadre qu’il maîtrise, sans tomber dans une anarchie non calculée. Ce virage répondra aux intérêts de catégories que le régime néglige et encadrera ces catégories dans un nouveau rapport de force qui renforcera l’alternative initialement envisagée. L’organisation révolutionnaire ne génère pas le changement à partir du néant ou d’un acte volontaire magique ou d’une répression passagère, mais l’extirpe comme une sage-femme met au monde un enfant.

Pour réaliser cet objectif, le mouvement adopte les méthodologies suivantes :

  • Adopter la pensée critique comme fondement méthodologique, et donc de considérer les diverses théories et idéologies, quelles que soit leur efficacité, comme étant relatives et limitées à la circonstance historique de leur élaboration, d’où le besoin de les adapter et de les soumettre aux risques de l’interprétation.
  • Aborder les comportements et les initiatives individuels ou collectifs comme prenant leur sens à travers leur intégration dans un cadre d’intérêts, d’institutions et de valeurs, défini et convenu, constituant un « système social ».Par conséquent, il convient de révoquer d’une part la revendication du caractère absolu pérenne et immuable des structures institutionnelles, en particulier pour les entités sociétales culturelles, religieuses et ethniques, car cette revendication conduit à endiguer et à altérer l’image des mouvements d’opposition aspirant au changement. D’autre part, il faut réfuter les jugements politiques fondées sur l’individualisation accompagnées de leur cortège d’injonctions morales simplificatrices, se contentant de sanctifier ou de diaboliser, pour éviter les risques de détourner l’affrontement avec le système en un affrontement avec des personnes et de permettre ainsi la perpétuation du système qui, s’il s’y voyait contraint, choisirait le sacrifice des personnes.
  • Traiter avec le réel, ses comportements et son discours, comme étant intégré dans le cadre d’un « système sociétal » tout en déployant l’effort nécessaire à la compréhension de ses règles, des circonstances historiques spécifiques à sa construction, des conditions de sa stabilité, du fonctionnement de ses mécanismes institutionnels et d’urgence, des limites de son contrôle et des règles de gestions de conflits à l’intérieur de son périmètre, de la trajectoire de l’impact combiné de l’accumulation et de l’érosion résultant de ses règles de fonctionnement et l’évolution dans son environnement matériel, environnemental, humain et politique. À ce titre, le mouvement s’applique à scruter les contradictions internes et externes du système sociétal et à surveiller avec précision leur gravité, leur hiérarchisation, leurs interdépendances et les risques qui en découlent. Le Mouvement accorde une importance particulière à la compréhension des rouages qui assurent le rôle de contrôle du système et du pouvoir véritable détenu par ces rouages, pour des raisons fonctionnelles, au-delà des discours politiques de façade que produit le régime. Il se concentre sur les axes et terrains où pourrait aboutir une confrontation entre ces rouages, en s’assurant de ne pas ébranler le pouvoir sans faire émerger alternatives et forces de pression capables d’en porter les conséquences d’une part, et de ne pas glisser d’une autre part vers des conflits qu’il est facile au régime de contenir et de réaligner selon ses lignes de fractures qu’il sait gérer pour se renouveler.