Liban : des mesures économiques d’urgence suffiront-elles ?

Article publié sur le site France culture le 21 Octobre 2019 et disponible sur ce lien

Journée cruciale au Liban, où le Gouvernement doit adopter des réformes économiques « radicales »… C’est ce que prévoit le premier Ministre après 3 jours des plus importantes manifestations qu’a connues le pays.

C’est un « choc » que promet le Premier Ministre Saad Hariri après trois jours de manifestations de plusieurs centaines de milliers de personnes dans tout le pays, notamment à Beyrouth. Cette contestation sociale transpartisane est inédite au Liban. L’étincelle a été provoquée par un projet de nouvelle taxe sur les communications WhatsApp, instrument indispensable de communication avec la diaspora  et malgré le retrait du projet samedi, la colère ne retombe pas.

Avec un chômage de 20 % et un quart de la population déjà pauvre, les manifestants dénoncent désormais les mauvais services publics et la crise économique persistante. La rue réclame le départ de la classe politique accusée au mieux d’incurie, au pire de corruption. Le Ministre des Telecoms Mohammad Choucar lui-même est visé par une enquête parlementaire pour l’acquisition d’un nouveau bâtiment pour 75 millions de dollars.

En urgence, le gouvernement tente de donner des gages avec un plan de 21 mesures : parmi elles, la baisse de moitié des salaires des dirigeants et hauts fonctionnaires, un « quasi 0 déficit » budgétaire en 2020, des privatisations et une réforme de l’électricité… Le premier ministre a fixé un ultimatum jusqu’à ce soir aux partis politiques pour l’accepter : pour sauver l’économie, ou le système politique à bout de souffle ? demande  l’économiste et ancien Ministre Telecom et Travail Charbel Nahas sur France Culture.

« Aller proposer la privatisation des télécoms aujourd’hui alors même qu’il n’y a pas de devises, que les taux sont à 20 % et que les gens sont dans la rue… je ne sais pas qui va venir, à moins de brader ce truc là encore dans une magouille infâme ! » Charbel Nahas 

Reste que l’Etat libanais doit trouver de nouvelles sources de revenus et la taxe sur WhatsApp aurait permis de rapporter 200 millions de dollars par an. Malgré un prêt international de plus 11 milliards de dollars l’année dernière et des mesures d’austérité, son déficit se monte à 86 Mrd $ à 150 % du PIB.

D’autres sources de revenus sont envisagées : notamment une possible participation accrue des banques libanaise au budget de l’Etat via l’impôt sur les bénéfices, et une injection de 3 milliards de dollars de la Banque du Liban dans le système bancaire.

La presse libanaise de ce matin évoquait aussi des mesures de supervision et la suppression de fonds soupçonné d’être des caisses noires.

Le président libanais Michel Aoun quant à lui a aussi tenté de jouer la transparence en appelant à la levée du secret bancaire sur les comptes personnels des ministres anciens et actuels.