L’accord du siècle : insolence de l’hégémon et insolence des vaincus
Beyrouth, le 29/01/2020
L’annonce par le président américain de sa vision de « l’accord du siècle », en présence du premier ministre sioniste et des ambassadeurs de trois pays arabes, les Emirats- Arabes Unis, le sultanat d’Oman et le royaume du Bahreïn, constitue un nouveau degré dans l’escalade de l’insolence de l’hégémonie américaine, qui consiste à affirmer, franchement et directement, qu’elle peut réaliser ce que bon lui semble, ou du moins à penser pouvoir le faire. Il s’agit aussi d’une nouvelle étape dans l’escalade de l’insolence des vaincus qui ne tentent même plus de cacher leur lâcheté par quelque formalité que ce soit.
Trump agit comme s’il était le décideur du monde, prodiguant les dons à son agent dans la région, l’entité sioniste, disposant à sa guise des droits des sociétés de cette région, et enjoignant à ses hommes de main parmi les dirigeants fortunés de cette région de régler la facture financière aux dépens de ses peuples.
Le choix du gouvernement américain de faire face aux changements économiques et démographiques que le monde a connus et connaît encore par l’exacerbation systématique des confrontations, par l’instrumentalisation des menaces et des sanctions financières et sécuritaires et par l’imposition des états de fait, aussi bien à ceux qu’il considère comme ses adversaires qu’à ses alliés, est une politique à courte vue, une politique qui ne change en rien le cours effectif des choses mais qui prépare des tragédies et qui sape la légitimité des États dans le monde entier, y compris celle des Etats-Unis eux-mêmes. Faire face à ce danger nécessite désormais la convergence des forces politiques conscientes dans le monde entier pour rétablir l’action politique sur des bases rationnelles et responsables.
La scène en Palestine aujourd’hui est sans doute l’un des derniers exemples au monde où l’hégémonie mondiale perpètre ses crimes par l’occupation militaire directe et sur la base de la discrimination raciale en faveur des colons au détriment de la population réelle du pays.
Cette réalité, à nos frontières méridionales, nous pose des défis fondamentaux, et toute politique de distanciation, sous quelque titre que ce soit, serait un crime contre le présent et l’avenir de notre pays. Pour cette raison, nous considérons, dans le mouvement « Citoyens et citoyennes dans un État », que l’hostilité vis-à-vis d’ »Israël » est une question de principe qui ne peut être résolue ni par un éventuel règlement frontalier, ni par une «acceptation palestinienne» si jamais elle devait arriver.
L’hostilité est une attitude exceptionnelle dans les relations internationales, et l’état d’hostilité que nous adoptons contre l’ennemi israélien est l’un des très rares exemples dans le monde d’aujourd’hui. L’attitude d’hostilité impose à ceux qui l’adoptent sérieusement des choix politiques graves, dans les domaines de la sécurité et de la défense, de l’économie, des relations extérieures et dans tous les autres domaines liés aux affaires publiques.
Parce que cet état d’hostilité, que nous annonçons et adoptons et dont nous appelons à ce que ce soit tout le Liban qui en supporte les charges, est exceptionnel et délicat à ce point, nous rappelons notre position déclarée et claire : seul un État effectif, c’est-à-dire un État laïque, est pratiquement, et non pas pour des motifs idéologiques, capable de relever le défi. Il est seul capable de traiter avec la société dans sa réalité, alors que « l’État » de la coalition des communautés ne peut être, de par sa nature, qu’un facteur de fragmentation de la société ; un défi comme celui-ci nécessite une société cohérente et unie autour de ses priorités et de sa légitimité.
Ceux qui considèrent que notre faiblesse actuelle au Liban, dans cet Orient en feu et en sang, constituent « notre situation naturelle », « qui ne changera jamais », ceux qui considèrent que nous sommes un cas isolé, que l’histoire est terminée et nous a déclarés vaincus et victimes, ceux-là ignorent l’histoire et son mouvement et ignorent ce que la volonté peut faire lorsqu’elle est ancrée dans la réalité, non pas pour en être prisonnière, mais pour pouvoir la changer, même si cela coûte du temps et des sacrifices.