La faillite et ses implications spontanées
Nous n’avons cessé de mettre en garde contre la conduite du pays vers la faillite. Elle est aujourd’hui un fait accompli. Mais qu’est-ce qu’une faillite concrètement ? et d’abord qu’est-ce qu’elle n’est pas ? Une faillite n’est pas la fin du monde, c’est une crise, un tournant parmi d’autres dans l’histoire des sociétés. Son issue est tributaire de la façon dont elle est gérée.
Comment se manifeste la faillite ?
Très simplement, par la chute brutale de la valeur réelle des revenus de la population et de son épargne. Par valeur réelle, nous entendons la quantité de biens et de services que ces revenus et cette épargne permettent effectivement d’acheter, indépendamment des variations du taux de change.
La chute brutale des revenus peut être induite par les dépôts de bilan des entreprises ou par les réductions du temps de travail destinées à réduire les salaires ou par la dévaluation de la Livre ou par les hausses de prix. Il ne faut pas oublier les employés et employées étrangers qui ont quitté leurs pays pour trouver du travail au Liban, et n’ont pas encore pris conscience qu’ils n’y trouveront plus les dollars destinés à leur famille restée dans leur pays d’origine. La faillite a également des conséquences sur l’épargne constituée auprès des banques, auxquels les déposants n’ont plus accès. Elle se répercute sur la disponibilité des biens et des matières premières essentielles que les importateurs ne sont plus en mesure d’acheter à leurs fournisseurs à l’étranger, même s’ils disposent de comptes en banque ou que leurs consommateurs disposent de revenus ou d’épargne. Les produits commencent déjà à manquer. Certaines pénuries sont graves. Le stock des fournitures médicales de base suffit à tenir deux mois, selon les hôpitaux pour qui cela pourrait induire 2000 décès supplémentaires par an.
Voilà ce à quoi ressemblent une faillite et ses effets. Cela nous amène à la question suivante : que se passera-t-il si les forces politiques continuent de s’accrocher au pouvoir malgré leur échec patent ? En pratique, ceux qui peuvent émigrer partiront. Resteront au Liban ceux qui n’ont pas les moyens de partir ; ceux-là relèvent des catégories sociales qui devraient être les bénéficiaires prioritaires de services et de protection sociale. Resteront aussi les détenteurs de capitaux et les spéculateurs qui attendent la faillite, voire la souhaitent, pour rafler à bas prix les biens que les gens devront brader afin de subvenir à leurs besoins. L’État se mettra lui aussi à vendre ses actifs et ses entreprises pour couvrir ses dépenses. Rappelons à cet égard que le « plan de réformes » présenté par le gouvernement prévoit, entre autres, la vente de l’aéroport, des ports, des réseaux de téléphonie mobile et de la Middle East Airlines.
C’est exactement ce qui nous préoccupe au quotidien : ce pays, dans lequel nous avons chacun nos expériences et nos souvenirs, bons ou mauvais, est menacé d’être vendu au plus offrant. Nous avions vu cela venir il y a quatre ans, c’est pourquoi nous avons lancé le mouvement « Citoyens et Citoyennes dans un État ».
Nos prévisions sont en train de se concrétiser. Mais tout cela est-il une fatalité ? Non. L’alternative existe. Cette alternative, c’est l’État. Notre société, les citoyens et citoyennes qui la composent, en ont besoin aujourd’hui pour des raisons fonctionnelles. L’instrument étatique ne répond ni à une logique dogmatique, ni idéologique, mais il est nécessaire pour garantir un minimum de cohésion sociale.
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