ABOLISSEZ LE CONFESSIONNALISME !          

AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD

  1. Statu quo

Au moment où les répercussions des violences économiques commises par la classe politique libanaise (avec l’aide des créanciers et des larges fortunes nationaux et internationaux) s’élargissent, et à l’heure où la crise économique se métamorphose en crises subséquentes (sanitaire, sécuritaire, humanitaire), le spectre des choix et solutions restants pour agir face à cette réalité ne fait que rétrécir. Les réformes économiques souhaitées ne sont toujours pas tombées du ciel, et elles ne le seraient non plus concédées par la classe politique actuellement au pouvoir.

  1. Que faire ?

Attendre les politiciens écarter d’eux-mêmes une structure qui leur accorde le contrôle quasi total du pouvoir et de l’économie ? Ou bien compter sur la bonne foi des banquiers pour épargner les intérêts vitaux restants de l’État ? Se fier à des promesses de prospérité au moment où les conséquences propres de leurs « non-réalisations » constituent les forces motrices de la continuité du système lui-même ? Ou bien espérer en la mise en place de réformes fiscales efficaces qui agiraient contrairement au rôle occupé jusqu’à présent, ce qui veut dire figurez-vous bien, taxer les riches et épargner les classes moyennes et pauvres ?!

  1. Et si on définissait nos priorités ?

À la lumière des questionnements du temps présent, obscure comme il le devient, la situation ne laisse plus au loisir la possibilité de se prévaloir. Il ne faut pas surtout se tromper en attendant « un retour à la normale » prochainement. La revendication pour un régime politique libre, fort et juste, capable d’instaurer un système économique efficace, n’est plus une simple possibilité parmi d’autres. L’option B, attendue malheureusement et imprévisible dans ses mauvais détails, consiste à se jeter les uns contre les autres dans une lutte de survie, des longs séjours d’austérité, une quête d’un minimum de dignité et de sécurité. Face à une telle situation critique, il est crucial pour chacun de nous de définir ses priorités et de choisir son propre combat :

ABOLIR LE CONFESSIONNALISME OU LAISSER LE CONFESSIONNALISME NOUS ABOLIR ?

  1. Abolir le confessionnalisme, pour… et puis… ?
  • Abolir le confessionnalisme pour clore une fois pour toutes, une époque de conflits d’intérêts sous le masque des religions ;
  • Abolir le confessionnalisme comme entrée indispensable pour la mise en place d’une économie efficace ;
  • Abolir le confessionnalisme pour mettre fin à un désordre économique hérité depuis des décennies.

Car ce combat ne suffirait pas sans débouchés clairs, c’est dans le cadre d’un État laïc qu’il prendra tout son sens à travers :

  • Une légitimité établie entre État et citoyens selon une relation directe, et sans aucune médiation;
  • Une mise en place d’une structure sociale capable d’apporter une réponse collective aux nécessités et besoins de la société ;
  • Un déploiement d’un système apte à résoudre les conflits issus de l’interaction entre ses différentes composantes, et non pas à en profiter pour construire sa propre gloire ;
  • Un développement d’un cadre sain pour l’articulation des décisions nécessaires pour un fonctionnement efficace de l’économie ;
  • Une instauration de nouvelles lois et législations, tout en assurant leurs applications efficaces.
  • … Voir le projet de MMFD : « un État et une économie pour le Liban ».
  1. Vers la pratique

À l’issue de cette liste, il reste important de préciser quelques pratiques, vu la complexité du paysage et la diversité des fronts :

  1. Admettons en premier lieu que la priorité d’abolir le confessionnalisme ne remet en aucun cas la légitimité des autres causes (e.g. système de protection sociale pour tous, système de transport en commun efficace, etc.). Tous les combats sont liés, cependant centrés pour le moment sur la priorité d’imposer une négociation avec la classe politique pour une transition pacifique du pouvoir.
  2. En second lieu, séparer les combats ne signifie point combattre séparément. Œuvrer pour un processus de transition pacifique ne requiert en aucun cas une indépendance des autres combats menés pour des causes différentes. C’est plutôt préparer chaque combat et lui attribuer tous les moyens nécessaires pour sa réussite, aboutissant finalement à une réussite globale.
  3. Troisièmement, accordons-nous la volonté de croire que l’aboutissement d’une cause renforcera d’une manière directe, ou indirecte, une autre. Réussir de concrétiser la transition du pouvoir en un projet clair pour la période à venir, avec la possibilité de provoquer une fissure dans le système confessionnel actuel, ne fera qu’accélérer l’achèvement des autres causes (e.g. réforme fiscale, réforme de la loi électorale, réforme de la loi du statut personnel, etc.). Quitte à instaurer finalement un État laïc fort et juste, qui puisse gérer les effets de la crise économique actuelle et ouvrir les voies vers une nouvelle ère ;

La réussite d’une telle démarche dépendra sur la volonté, la connaissance, le courage, le dynamisme, l’effort de chacun… et l’organisation de tous.

  1. In fine

L’avenir économique du Liban et les conditions du bien-être attendu seront liés en premier lieu à la nature du son régime politique. Seule la sortie du confessionnalisme pourrait répondre à de telles attentes, et l’intérêt d’une société comme la nôtre ne peut se manifester pleinement, que dans le cadre d’un État laïc.

C’est à nous, citoyens et citoyennes, d’imposer ce changement attendu depuis longtemps au sein de notre société.

Sommes-nous prêts pour ce combat ?

Chady JABBOUR

Économiste, CNRS, France