C’est le non-événement

Beyrouth, le 22 Janvier 2020

L’annonce des noms des ministres dans un nouveau gouvernement n’est qu’un autre chapitre d’un spectacle comique dans sa forme, mais tragique dans le fond, intitulé l’effondrement du régime politique qui contrôle le Liban depuis trente ans. Ce dernier chapitre se distingue des chapitres précédents en faisant appel à la technique des masques mais avec une mise en scène médiocre.

C’est un non-événement, non pas à cause des noms, mais simplement parce que les discussions avant, pendant et après le mandat ainsi que la formation du gouvernement, ne portaient que sur les quotas sectaires, les normes formelles tout en ignorant la première conjoncture politique au Liban aujourd’hui, la gestion de la crise financière et du lourd héritage du système des chefs sectaires, des responsables de multiples arrangements suspectes et leurs politiques.

Ce non-événement a coïncidé, à quelques minutes près, et quel hasard, avec l’annonce du syndicat des changeurs du prix plafonné de vente du dollar en 2,000 livres libanaises, ce qui n’est pas le cas pour l’achat. Cela est suite à l’accord entre le syndicat et le gouverneur de la Banque du Liban, qui insiste toujours sur le fait que le taux de change est de 1,515 livres libanaises. Un employé et un groupe de commerçants conviennent à fixer les taux de change pour la livre libanaise, tandis que les médias sont occupés avec les noms des nouveaux ministres, les portefeuilles ministériels et les parts de chaque parti, et de ce fait on a radié pour le gouvernement, et comme un cadeau de bienvenue, plus d’un tiers des revenus du peuple libanais, par une décision d’un employé et d’un groupe de commerçants. Et ce n’est que le début…

Par conséquent, tous ceux qui ont accepté de participer à ce chapitre pathétique de la destruction de la société, et tous ceux qui ont gardé le silence, en tiennent une grande responsabilité, et chaque jour qui passe est une prolongation du crime.

Ce non-événement, par son écart avec la réalité d’une part, et la gravité et la profondeur de la crise d’autre part est par excellence l’évènement type de l’absence de responsabilité chez les autorités du pouvoir, ceux qui ont participé à la formation du gouvernement et ceux qui ont fui leurs responsabilités historiques et actuelles dans la destruction de la société.

Nous, le mouvement « Citoyens et citoyennes dans un Etat », réaffirmons que la seule solution qui est encore disponible, et qui ne le sera pas indéfiniment, est d’imposer des négociations sur un transfert pacifique de pouvoir à un véritable gouvernement de sauvetage, un gouvernement dont le président et les membres, disposent du savoir-faire, de l’audace et de la liberté, pendant 18 mois, pour faire face à la crise financière. Un gouvernement qui établit les fondements réels d’un État laïque  démocratique, capable et juste.

En conséquence, nous faisons appel avec insistance à toutes les forces politiques et à toutes les personnalités qui ont véritablement conscience de la gravité de la situation et qui sont prêtes à assumer leurs responsabilités pour sauver le pays à trouver un diagnostic commun et précis de la situation actuelle et former une alternative politique sérieuse au régime actuel, afin de négocier la transition pacifique pour faire face à la crise financière et l’instauration de l’état laïque.

Nous sommes dans une course entre l’effondrement total et la violence aveugle d’un côté, et une petite fenêtre de sauvetage de l’autre. Nous sommes tous responsables, agissons.