Transition et Rupture

Article de Mounir Doumani, membre de « Citoyens et Citoyennes dans un État », publié dans L’Orient-le-Jour le Lundi 1 février 2021 sur ce lien.

Je voudrais remercier Alexandre Khouri pour son article intitulé « Comment les indépendants se préparent (ou pas) pour 2022 » publié dans L’Orient-Le Jour le 23 janvier 2021, suite auquel j’aimerais apporter quelques précisions qui je le pense sont indispensables pour mieux comprendre la position de Mouwatinoun wa Mouwatinat fi Dawla (Citoyens et Citoyennes dans un État).

MMfiDawla ne se prépare pas actuellement à une échéance électorale, mais ce n’est pas parce que nous pensons qu’elle n’aura pas lieu. Si elle devait arriver, le parti étudierait la situation, prendrait position et se réorganiserait en fonction. La raison de notre position actuelle découle de notre lecture qui est que le pays passe par une phase transitoire, un moment de rupture entre deux régimes politico-socio-économiques. Nous connaissons bien le premier et le second reste à définir. Cette phase de transition peut aboutir à trois scénarios :

– Un pourrissement de la situation qui mènerait à une « somalisation » du pays.

– Un arrangement extérieur qui instaurerait un régime quasi militaire qui maintiendrait une paix civile incertaine

– Une transition du pouvoir à une alternative crédible portant une vision claire pour le nouveau régime politico-socio-économique.

C’est bien pour augmenter les chances du troisième scénario que nous œuvrons. Cette transition se ferait sur les bases d’une négociation avec les chefs communautaires qui seraient contraints d’en reconnaître la nécessité (la plupart des transitions de régimes sont le résultat de négociations, qu’elles soient pacifiques ou qu’elles aient lieu suite à des violences). Cette négociation cristalliserait le point de rencontre dans le temps entre deux courbes :

– l’une descendante représentant la capacité des partis communautaires à préserver leur contrôle malgré l’effondrement ;

– et l’autre ascendante représentant la clarté, la crédibilité et la capacité d’initiative de l’alternative, son projet et ceux qui le portent.

C’est pour cela que le projet politique publié sur notre site (ainsi que notre projet d’économie politique pour le pays) n’est pas un programme électoral, mais bien un projet de gestion pour la phase transitoire qui jetterait les bases d’un nouveau pouvoir, celui d’un État véritable confiant dans sa légitimité, un État laïc. Cela n’est pas un slogan. Un pareil projet n’aurait quasiment aucune chance de voir le jour, n’était l’instant de rupture par lequel nous passons et que nous nous devons de transformer en opportunité historique.

Nous avons eu des dizaines d’heures de discussions avec toutes les parties mentionnées dans l’article, et bien d’autres. Certaines ont atteint des points plus avancés que d’autres. Nous avons essayé de les convaincre du fait que ce moment de rupture requérait un courage certain de la part de ceux qui prétendent vouloir avoir un impact sur le réel. Malheureusement, ceux qui sont prêts à assumer la responsabilité de la gestion de ce qui est sans doute l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de ce pays ne sont pas encore suffisamment nombreux.

Nous continuerons de déployer les efforts pour convaincre ceux qui sont supposés être nos partenaires de l’urgence et de la nécessité de renforcer cette alternative plutôt que de se préparer à des élections aléatoires. Entre-temps, en tant que parti, nous continuons d’œuvrer dans le sens du renforcement de l’alternative et nous invitons les citoyens et les citoyennes prêts à prendre leurs responsabilités à nous soutenir et à nous rejoindre.