Le 4 août est un jour de mémoire et tous les jours sont des jours de combat

On ne retiendra pas la date du 4 août comme l’anniversaire d’un crime, car le crime perdure depuis le 4 août 2020 jusqu’au 4 août 2021.

Le 4 août 2020, un crime inhumain a coûté la vie à plus de deux cents citoyens libanais et travailleurs immigrés, et en a blessé des milliers, sans compter les destructions qui ont touché la moitié de la capitale et l’horreur qui a ébranlé le pays tout entier.

Le 4 août 2021, un crime politique se prépare pour achever la destruction de tout ce qui fut épargné par l’explosion, consistant à empêcher que le droit soit rendu et que justice soit faite, sous prétexte d’immunités grossières et d’autorisations accordées et refusées, qui n’ont d’autres buts que de légaliser le crime. Cela nous rappelle que les tenants de l’autorité de fait ont construit leur légitimité sur l’impunité, sur la base des droits des communautés plutôt que des droits de l’homme, en s’accordant une amnistie générale pour les crimes de la guerre civile comme si rien ne s’était passé, par l’établissement d’un ensemble serré d’immunités qui se renforcent mutuellement, après que la population, désespérée, eut accepté n’importe quoi pour mettre fin aux tueries.

En commémoration du premier anniversaire du crime du port, nous sommes appelés par plusieurs parties à participer à diverses formes de rassemblements en souvenir de cette tragédie.  Reconnaissant les efforts sérieux et les intentions sincères de la plupart, nous avons choisi de ne pas participer à des rassemblements dispersés, surtout avec l’implication d’un certain nombre des partis du régime, faisant commerce du sang des victimes et des larmes de leurs familles, après avoir mis la société en faillite et dilapidé ses ressources et ses épargnes.

Parce que les familles des victimes sont les premières meurtries par cette tragédie qui a touché la société toute entière, le 4 août 2021, en tant que mouvement des Citoyens et Citoyennes dans un État, nous serons à leur côté pour consoler leurs peines et soutenir leurs actions pour lever les immunités, toutes les immunités, en commençant par les immunités politiques et sécuritaires et sans s’arrêter à celles religieuses, dont l’objectif est de couvrir les crimes passés et les tragédies à venir pour davantage de sang et de larmes.

Aujourd’hui, le combat des familles des victimes et leur prise de conscience du besoin urgent d’un État réel, capable et efficace nous inspire. Comme eux, nous réclamons un État qui traite la société en tant que société, et les citoyens en tant que citoyens. Nous dénonçons l’État qui soudoie pour se payer une légitimité sur des fonds livrés au pillage, ou qui menace et intimide une fois que les sources de financement se sont taries.  Sans un État véritable, c’est-à-dire sans un État de droits civils, et peu importe les efforts de certains juges courageux, il n’y aura aucun moyen pour que la vraie justice soit rendue.

La tragédie n’est pas une fatalité. En l’occurrence, l’explosion du port est un crime. L’espoir n’est pas une illusion. Il est dans la clarté de la vision et dans la force de la volonté. La politique est une responsabilité. Elle est là pour prévenir les tragédies et non pour les exploiter.

Le 4 août 2021 est un jour de souvenir des victimes d’un crime qui a affecté toute la société, mais le 4 août 2021, et tous les jours, aujourd’hui, demain et les suivants, seront des jours de lutte, pour construire un avenir qui ne répète pas les tragédies, mais que nous méritons en tant que société et en tant qu’individus.